Archives du mot-clé fleurs des montagnes
La parisette et le sceau de Salomon
Le vératre blanc et le colchique
Aconit Napel et Aconit Tue-Loup
Fleurs des sous-bois printaniers – mois d’avril
Une colonie d’orchidées rares dans un marais d’altitude
Dans le virage de la petite route de montagne, une petite parcelle en friche attire mon regard : des buissons de saule à l’arrière plan essayent de gagner de vitesse les hautes herbes luxuriantes en ce mois de juin. Je devine une mégaphorbiae profitant de la fraicheur d’un ruisseau de montagne, où s’écoulent plusieurs jeunes sources gazouillantes
Lorsque je pose les pieds dans les premiers mètres de la parcelle, la terre gorgée d’eau s’enfonce moelleusement sous mon poids annonçant sa qualité d’éponge… avec précaution je progresse vers les tâches de couleur vive qui ont suscité ma curiosité : de superbes chardons des rives aux têtes en pompon rose vif dansent un tango entre des touffes de longues feuilles en ruban…très peu d’épines et tant de grâce dans leurs silhouettes inclinées. De ci de là, les feuilles gauffrées et odorantes des reines des prés me mettent en garde ! Attention ! L’eau prend le pas sur la terre ferme, ici commence la limite mouvante des plantes hygrophiles, autrement dit nageoires recommandées…ou bottes dans le pire des cas.
Je passe en revue rapidement le contenu de mon coffre mais hélas ! Ces articles ne sont pas disponibles en rayon. La collection été propose un chapeau, des lunettes de soleil et autre protection solaire en cette météo magnifique. Il faudra s’adapter…
Je reviens sur mes pas et me dirige vers les saules blancs qui sont en train de stabiliser la zone humide en captant les sédiments dans leur système racinaire. Le pied en l’air je tombe en admiration sur les étonnantes fleurs en étoile que je révais de rencontrer… une couleur aussi mystérieuse qu’inquiétante, le rubis sombre de la sanguisorbe qui évoque si bien la propriété médicinale de cette plante hémostatique. Rouge sang, le comaret l’est aussi et d’un graphisme à rendre envieux un designer de mode… Proche des potentilles et du fraisier, cette espèce est une variation fascinante sur le motif des rosacées que nous croyons connaître par coeur et qui me surprend encore avec cette espèce rare.
Je prospecte minutieusement autour de mon petit groupe en élargissant le cercle en quête de nouvelles fleurs… et voici des trèfles d’eau, étalés en un beau tapis sur une surface plus sèche. A défaut des fleurs en dentelle nacrée que j’aurais voulu admirer (elles sont logiquement défleuries depuis un bon mois), je découvre les fruits en capsules de cette plante médicinale rare . Elle confirme en bonne indicatrice que j’explore un « tremblant », c’est à dire une zone humide en cours d’assèchement naturel, toujours le réseau des racines en action, mais que les saules n’ont pas encore colonisés. L’eau est certainement d’une grande pureté et bien oxygénée sur cette friche pour accueillir des plantes aussi remarquables.
Au milieu des trèfles d’eau, je me penche sur une tige élancée qui file entre les graminées, jalonnée de fleurons d’un blanc nacré tirant vers le beige rosé…comme des papillons posés les ailes entrouvertes pour se réchauffer au soleil. Ente les ailes, une gorge jaune d’or révèle les pollinies d’une orchidée ! Voilà la star des jardins de Grenade : l’épipactis des marais batifole entre les jeux d’eau des sources et les méandres du tremblant et s’y plait tant et si bien qu’elle a installé sa famille. Combien de générations s’y bousculent depuis combien de saisons ?! Pas moins de 80 pieds d’épipactis sont dénombrés sur ce carré de friche de quelques dizaines de mètres carrés… quand la densité de cette plante protégée est à peine de 3 pieds sur des hectares de marais à plus basse altitude ! Maintenant que je les ai repérés, ils exécutent un véritable ballet devant mes yeux ébahis ! Quel incroyable spectacle!… »
Les anémones sous le vent des crêtes
Dans les pelouses naturelles des Monts des Volcans se balancent d’étonnants pompons au gré du vent des crêtes. Hérissés d’aigrettes de plumes, ces drôles de balles soyeuses rappellent les têtes des pissenlits qui poussent dans la vallée. Alors que celles-ci sont fragiles et se brisent au moindre souffle, les pompons des estives résistent jusqu’en été. Pour les admirer, il faut monter au dessus de 1300 m d’altitude…
D’ailleurs, il ne s’agit pas d’espèces de la famille des Astéracées dont les Pissenlit, Salsifi et autre tussilage ont les fruits les plus somptueux, mais d’une catégorie d’anémones sauvages de la famille des Renonculacées.
« Anémone », ce mot bien choisi a pour origine le vent en grec ancien : anemos qui a inspiré le nom de l’outil anémomètre en météorologie.
Ces fleurs montagnardes ont en effet l’habitude de confier au vent leurs semences, un moyen pratique de se balader d’un sommet à l’autre en sautant au dessus du vide comme le ferait un chamois !
Elles sont trois fleurs à égrener leurs pompons au printemps : l’anémone printanière
est la première à fleurir en avril, suivie de l’anémone pulsatille et c’est l’anémone soufrée qui clôture la saison des belles printanières. Mystère de la Nature, l’anémone soufrée est une variété jaune de l’anémone des Alpes qui s’est développée exclusivement en Auvergne.
Pour être en fleurs à la fonte des neiges, elles essuient souvent une averse de neige, un retour de l’hiver qui serait dramatique pour les fragiles corolles d’une autre fleur.
Sauf pour les anémones pulsatilles qui ont eu l’inventivité d’emmitoufler leurs feuilles, leur tige et même leurs fleurs dans un duvet soyeux qui leur sert d’isolant naturel. Ce magnifique manteau argenté scintille dans la lumière des dernières plaques de neige du printemps.
Ainsi protégées, elles affrontent les températures nocturnes très basses, mais encore la déshydratation due à la réverbération du soleil sur la neige, et l’insolation violente des sommets.
Les jolis pompons sont aussi une exclusivité des espèces montagnardes.
Bien qu’elle porte le même nom, l’anémone des bois (Anemone nemorosa) ne pratique pas ce mode de dissémination des graines.
Et pour cause, établie dans le sous-bois des hêtraies à l’abri du vent, sa descendance est disséminée par les fourmis forestières. Trait de génie, la « plume » de la graine chez l’anémone des crêtes est remplacée par une pastille sucrée qui attise la gourmandise des fourmis, chez l’anémone des bois.