Archives mensuelles : mars 2018

Fleurs protégées interdites à la cueillette

Cuisine paysanne (2) – Revue du Cueilleur-Culteur n°6

Les légumes sauvages dans la cuisine paysanne

du Moyen-Age à nos jours (partie 2)

par Véronique Garcia-Pays

Bette-maritimeNLes légumes de la potée aux choux font partie des espèces les plus anciennement cultivés: l’origine de l’oignon, le choux et le navet se perd dans la nuit des temps. D’autres comme la carotte et le panais sont présents à l’état sauvage sur notre territoire et furent consommés par les gaulois et les romains bien avant le Moyen-Age. La ciboulette et l’oseille sauvage sont fréquentes dans les prairies naturelles des moyennes montagnes. La bette (Betta maritima) se ramasse sur les côtes sableuses du littoral français. Le poireau et l’ail des vignes sont des cueillettes printanières dans la région du Midi. Toutes ces espèces sont faciles à récolter dans la Nature, tandis que certaines ont été apprivoisées dans l’hortus conclusus (jardin clos), d’autres sont restés une ressource sauvage dont l’usage s’est transmis jusqu’à nos jours. D’autres enfin ont fait une incursion de plusieurs siècles dans les carrés de culture avant d’être remplacés par d’autres espèces plus à la mode.

La population étant principalement rurale au Moyen-Age, il suffit de sortir de la maison pour être plongé dans la Nature, les hameaux sont enchassés dans la Nature qui est partout : de l’autre côté de la clôture s’étendent les prairies et les bois dans un maillage très dense de haies touffues et de plessis servant de clôture vivante. Ce qui n’est pas cultivé au jardin est à portée de main dans la campagne.

En Auvergne, j’ai vu préparer le « pounti » par une vieille dame, pour ramasser les « herbes » du farci, elle est allée au fond du jardin…Ciboulette et persil, bettes et oseilles poussent pêle-mêle dans le potager auvergnat traditionnel, me faisant faire un bond dans le temps, au fil des pages enluminées du Mesnagier du XIVème siècle. Dans ce très ancien carnet de recettes, nos aïeux incorporaient les mêmes « herbes » aux tourtes, aux brouets verts et aux omelettes, en y ajoutant quelques brins de sauge et de menthe. Comment préparer la tarte aux « espinoches » (les épinards), alors que ces légumes sont absents* du potager médiéval?! Avec cet indice, plus d’hésitation à avoir : il faut aller voir de l’autre côté du miroir… me voici lancée sur la trace des plantes sauvages.

*introduits au XVIème siècle par Catherine de Médicis

moureyou-fkAu delà des limites du potager, s’étend la prairie à vaches, longée par un chemin creux où les gens du pays savent trouver dans le fouillis des arbustes de la haie, les fameux « repounsous » qui prolifèrent sous le couvert des grands frênes. Dans le Tarn et en Aveyron, les pousses du tamier (Tamus communis) sont l’ingrédient principal de recettes qui perpétuent les usages locaux apparus avant l’horticulture. Les pousses du « melonou » sont également appréciées des Aveyronnais ; comme la bryone (Bryonia dioica), s’introduit souvent clandestinement dans le jardin, elle pourrait avoir été domestiquée par nos ancêtres. Les exigences écologiques de ces plantes vivaces peuvent sembler un frein au premier abord. Que nenni ! Il suffit de voir comment nos ancêtres ont élaboré des techniques de culture sophistiquées telles que les cressonnières, sortes de bassins en cascade, alimentés par une source pure. Pourquoi n’y aurait-il pas eu aussi la création de bassins pour cultiver le « moureyou » (Montia fontana) récolté dans le Cantal au bord des sources, des sortes de mourronières ?! Mon imagination s’emballe face au mystère qui enveloppe les premiers plants de l’horticulture… 

Cuisine paysanne – Revue du Cueilleur-Culteur n°6

Les légumes sauvages dans la cuisine paysanne

du Moyen-Age à nos jours (partie 1)

par Véronique Garcia-Pays

Il y a dans le Massif central, quantité de traditions alimentaires qui soulèvent un coin du voile posé sur le patrimoine culinaire des plantes sauvages comestibles. Les recettes régionales qui ont fait la réputation de la région Auvergne ont été les premières à me mettre la puce à l’oreille avant que je ne découvre la richesse des départements voisins jusqu’aux rivages du Midi et par extension d’ouest en est des Pyrénées à la Cote d’Azur où chaque population préserve précieusement un fragment de savoir ancestral. Mes explorations botaniques m’ont mises en contact avec des gens friands des produits de la cueillette en pleine Nature, des ruraux tels que les chasseurs et les artisans, et des citadins qui ont gardé le goût des promenades en campagne et la mémoire des usages de leurs aïeuls, souvent devenus des mordus de randonnées ! Mon jardin dans un vieux village de haute Auvergne, m’a lui même révélé l’existence d’une des plantes potagères du Moyen Age, la première de la liste des légumes oubliés que j’ai voulu reconstituer grâce à mes recherches documentaires.

Tandis que mon voisin s’acharne à l’arracher de son potager, j’ai vu un don du ciel dans cette généreuse herbacée qui produit tant de feuillage savoureux dans l’ombre de mon petit lopin de terre Là où les semences modernes s’étiolent et réclament des faveurs du soleil cantonné à l’autre versant, et d’une fumure de nabab …les légumes sauvages oubliés du Moyen Age me font signe de leur feuillage éclatant de santé, ne demandant qu’à se faire connaître et goûter ! Je vous emmène à leur rencontre, quelques unes des herbes qui firent le régal de nos ancêtres et que j’ai adoptées dans mon jardin ensauvagé.

L’héritage des recettes régionales…

cuisine sauvage
farçous de légumes sauvages

Qui n’a mordu dans un farçou aveyronnais ne peut imaginer comment quelques bettes peuvent exalter un beignet frit sur l’étal du marché…gourmandise des feuilles au goût prononcé qui ont marqué de leur verdeur les plats emblématiques tels que le chou farci, le pounti et autre farci vert de la poitrine de porc farci. La préparation cuite des bettes associées aux oignons et au persil, voire à la ciboulette, fait écho instantanément au régime crétois, décrit par François Couplan, qui a perduré dans les campagnes grecques pendant des siècles. Je ne peux que tenter de résoudre l’énigme de l’origine de cette préparation en me plongeant dans les recettes du Moyen Age français. La potée aux choux d’Auvergne et la garbure gasconne, deux autres recettes patrimoniales majeures, balisent la piste qui me mène directement à la cuisine paysanne du XIIIème siècle.

Cela devient une évidence… le mot POTEE a la même origine que les mots potage et potager. Les légumes du potager étant utilisés pour cuisiner la soupe dans le pot en terre : la soupe étant le principal repas des paysans et des gens du peuple. Pour l’anecdote, la soupe s’écrivait dans ces temps reculés, la « souppe» avec deux p…

Grosso modo, il existait donc trois sortes de soupes :

  • le BROUET est le bouillon du ragoût de légumes ou de viande ; il est versé sur une tranche de pain sans les légumes, qui constitue la « souppe ».

  • la POTEE est une soupe qui comporte une partie liquide (potage) et une partie solide : lard, tripes, orge ou épeautre et des légumes. La potée au choux en est la descendante en droite ligne de toute évidence.

  • la POREE est l’ancêtre de notre purée : c’est un hachis de légumes cuit avec de l’eau et plus ou moins épais. Il semble que le nom de la porée médiévale provienne du poireau : Porus en vieux français latinisé…

les faux-frères : le mouron des oiseaux et le mouron rouge

Au retour du printemps, le mouron des oiseaux (Stellaria media) est un des premiers légumes sauvages à récolter et un des plus savoureux. Très précoce, il tend à se développer dès que les températures radoucissent et infeste rapidement les potagers où il s’invite sans l’accord du jardinier ! Avec ses longues tiges rampantes et ses petites feuilles ovales, il ressemble à s’y méprendre au mouron rouge (Anagallis arvensis), qui est par contre toxique. Alors que les graines du mouron des oiseaux font le régal des volatiles , celles du mouron rouge peuvent leur être fatales et empoisonner les lapins. Il vaut donc mieux éviter de les confondre !

Une affaire de famille

Stellaria media
Stellaria media

Le mouron des oiseaux est une petite stellaire dont les fleurs minuscules sont une reproduction minuscule de celles de la stellaire holostée. Elle est proche aussi de la silène enflée comestible comme elle. Elles s’apparentent à la famille des Dianthacées représentée par l’oeillet.

Anagallis-fk
Anagallis arvensis

Le mouron rouge appartient à la famille des primevères (Primulacées). Les graines sont principalement dangereuses en raison de leur concentration en saponosides. Ces substances actives font éclater les globules rouges du sang à haute dose. Le feuillage de la plante peut provoquer des troubles digestifs et rénaux, des diarrhées voire des convulsions en cas de consommation importante chez les organismes sensibles.

Comment les distinguer …

Le mouron des oiseaux a des fleurs blanches tandis que le mouron rouge a des fleurs rouges…au premier abord, cela parait simple, sauf que leurs floraisons ne sont pas toujours évidentes à repérer. Même si le mouron des oiseaux fleurit abondamment dès les premiers beaux jours du printemps, sa floraison est insignifiante : il vous faudra donc regarder attentivement les extrémités des tiges pour apercevoir ses corolles blanches.

Le mouron rouge fleurit plus tardivement vers le mois de juin. Il porte des fleurs bien visibles d’un rouge ou d’un bleu éclatant (une espèce similaire) qu’il protège de la pluie en les refermant quand la grisaille s’installe ! En cas de printemps pluvieux, elles passent souvent inaperçues…

C’est pourquoi il est judicieux de vérifier un deuxième indice avant de faire votre récolte : l’observation du feuillage.

Anagallis2-fkAu moment de la récolte, retournez la feuille et observez sa face inférieure :

  • la feuille du mouron des oiseaux a une face inférieure identique à la face supérieure
  • la feuille du mouron rouge a une face inférieure constellée de points foncés qui doivent vous alerter.

Partir en cueillette

C’est l’explosion printanière de la végétation ! Depuis trois semaines, les jeunes pousses ont surgi de la terre réchauffée par les rayons du soleil et les dernière gelées ne peuvent plus les arrêter. Je suis en admiration devant la vitalité des plantes au printemps qui révèle la puissance de l’énergie enfouie dans le sol naturel. A la sortie de l’hiver, j’ai envie de retrouver ma forme et ces feuillages tendres et pleins de sève m’attirent autant que le retour du soleil pour refaire le plein de vitamines et de minéraux. Une éclaircie et c’est le signal de la balade !

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