Cuisine paysanne – Revue du Cueilleur-Culteur n°6

Les légumes sauvages dans la cuisine paysanne

du Moyen-Age à nos jours (partie 1)

par Véronique Garcia-Pays

Il y a dans le Massif central, quantité de traditions alimentaires qui soulèvent un coin du voile posé sur le patrimoine culinaire des plantes sauvages comestibles. Les recettes régionales qui ont fait la réputation de la région Auvergne ont été les premières à me mettre la puce à l’oreille avant que je ne découvre la richesse des départements voisins jusqu’aux rivages du Midi et par extension d’ouest en est des Pyrénées à la Cote d’Azur où chaque population préserve précieusement un fragment de savoir ancestral. Mes explorations botaniques m’ont mises en contact avec des gens friands des produits de la cueillette en pleine Nature, des ruraux tels que les chasseurs et les artisans, et des citadins qui ont gardé le goût des promenades en campagne et la mémoire des usages de leurs aïeuls, souvent devenus des mordus de randonnées ! Mon jardin dans un vieux village de haute Auvergne, m’a lui même révélé l’existence d’une des plantes potagères du Moyen Age, la première de la liste des légumes oubliés que j’ai voulu reconstituer grâce à mes recherches documentaires.

Tandis que mon voisin s’acharne à l’arracher de son potager, j’ai vu un don du ciel dans cette généreuse herbacée qui produit tant de feuillage savoureux dans l’ombre de mon petit lopin de terre Là où les semences modernes s’étiolent et réclament des faveurs du soleil cantonné à l’autre versant, et d’une fumure de nabab …les légumes sauvages oubliés du Moyen Age me font signe de leur feuillage éclatant de santé, ne demandant qu’à se faire connaître et goûter ! Je vous emmène à leur rencontre, quelques unes des herbes qui firent le régal de nos ancêtres et que j’ai adoptées dans mon jardin ensauvagé.

L’héritage des recettes régionales…

cuisine sauvage
farçous de légumes sauvages

Qui n’a mordu dans un farçou aveyronnais ne peut imaginer comment quelques bettes peuvent exalter un beignet frit sur l’étal du marché…gourmandise des feuilles au goût prononcé qui ont marqué de leur verdeur les plats emblématiques tels que le chou farci, le pounti et autre farci vert de la poitrine de porc farci. La préparation cuite des bettes associées aux oignons et au persil, voire à la ciboulette, fait écho instantanément au régime crétois, décrit par François Couplan, qui a perduré dans les campagnes grecques pendant des siècles. Je ne peux que tenter de résoudre l’énigme de l’origine de cette préparation en me plongeant dans les recettes du Moyen Age français. La potée aux choux d’Auvergne et la garbure gasconne, deux autres recettes patrimoniales majeures, balisent la piste qui me mène directement à la cuisine paysanne du XIIIème siècle.

Cela devient une évidence… le mot POTEE a la même origine que les mots potage et potager. Les légumes du potager étant utilisés pour cuisiner la soupe dans le pot en terre : la soupe étant le principal repas des paysans et des gens du peuple. Pour l’anecdote, la soupe s’écrivait dans ces temps reculés, la « souppe» avec deux p…

Grosso modo, il existait donc trois sortes de soupes :

  • le BROUET est le bouillon du ragoût de légumes ou de viande ; il est versé sur une tranche de pain sans les légumes, qui constitue la « souppe ».

  • la POTEE est une soupe qui comporte une partie liquide (potage) et une partie solide : lard, tripes, orge ou épeautre et des légumes. La potée au choux en est la descendante en droite ligne de toute évidence.

  • la POREE est l’ancêtre de notre purée : c’est un hachis de légumes cuit avec de l’eau et plus ou moins épais. Il semble que le nom de la porée médiévale provienne du poireau : Porus en vieux français latinisé…