Archives pour la catégorie Poèmes sauvages

florilège de poèmes d’auteurs célèbres ou méconnus inspirés par la nature, les fleurs, et les arbres sauvages

Hetre-feuille-Siniq-fk

L’amour

Lorsque l’amour vous fait signe suivez-le,
Bien que ses chemins soient escarpés et sinueux.
Et quand ses ailes vous étreignent, épanchez-vous en lui,
En dépit de l’épée cachée dans son plumage qui pourrait vous blesser.
Et dès lors qu’il vous adresse la parole, croyez en lui,
Même si sa voix fracasse vos rêves, comme le vent du nord saccage les jardins.
Car comme l’amour vous coiffe d’une couronne, il peut aussi vous clouer sur une croix.
Et de même qu’il vous invite à croître, il vous incite à vous ébrancher.
Autant il s’élève au plus haut de vous-même et caresse les plus tendres de vos branches qui frémissent dans le soleil,
Autant cherche-t-il à s’enfoncer au plus profond de vos racines et à les ébranler dans leurs attaches à la terre. (…)

Khalil Gibran « Le prophète »

Je suis allée pêcher la clématite dans les buissons où les flammes argentées sautillent de branche en branche, toujours plus haut vers le ciel d’hiver. Un ami vannier m’en a demandé, c’est si rare dans son pays au sol acide que je voulais lui offrir ces lianes serpentines accrochées aussi solidement que des rêves d’amour à mon cœur solitaire.

Les ronces tout aussi vigoureuses, ont déployé leurs épines rouges et leurs petits harpons dans ma peau, dans mon cœur, ont fait tant d’accrocs au voile de mes illusions que, de ce filet improvisé, je me suis servie comme un pécheur d’étoiles. Je ne voulais pas rester sur terre ! Cramponnée à la corde frissonnante de feuilles, je me suis hissée au dessus des regrets , prête à abandonner mon corps dans l’abime, s’il ne voulait pas suivre mon âme…

L’air était froid, mon souffle chaud et mes doigts enlacés aux tiges tièdes du cornouiller…tous les trois animés par le souffle de la vie…devenue si proche de ce brin de clématite qui ne voulait pas lâcher son tendre arbuste, je n’avais plus vraiment envie de les séparer… D’un coup sec, j’ai rompu leur étreinte et je l’ai emportée dans ma chute au pied de son amant dépouillé. Ma clématite a répandu sa longue tresse défaite de fiancée évanouie sous les chuchotis du vent frileux dans les herbes froissées.

Le cercle étant plénitude, j’ai enroulé la chère liane jusqu’à faire un grand anneau, l’anneau brillant d’une alliance illuminée par le soleil couchant. C’est alors que j’ai vu son diamant suspendu sur le lac rose comme un phare au dessus de l’écume du soir… Sublime Vénus, qui me guide vers l’amour universel  .

Aryane

Cantal – le 20 décembre 2016

Le Temple

La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;

L’homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l’observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,

Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,

Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,

Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

Ch. Baudelaire,

Les Fleurs du mal

IVCorrespondances

En roulant sur la départementale, n’avez-vous pas croisé des grands frênes et des hêtres qui surplombent la route de leurs longues branches comme s’ils voulaient l’enjamber? Imaginez le peuple de la forêt prêt à reprendre possession de la surface goudronnée car c’est  le rôle de la nature d’ensemencer sans cesse la grande matrice de la Terre, malgré les obstacles dressés par les hommes.

La reconquête

 

Leurs branches se tendent l’une vers l’autre

comme des mains prêtes à se joindre.

Quatre mètres à franchir dans le vide…

La voûte prend forme au dessus de la bande

stérile, laminée par les bourreaux mécaniques.

Des hommes sur le sol, l’empreinte unique.

 

Tonnelle palpitante de feuilles tendres,

infini multiple de cœurs verts

qui pulsent l’oxygène dans le ciel.

Gaz précieux, voile d’or posé sur la Vie.

 

Dans le creuset des franges rebelles,

elle croît au ralenti, terrée

silencieuse, immobile, repue d’énergie,

tapie dans les humides fourrés

sous la protection du berceau de verdure

Elle renaîtra, cyclique, éternelle.

 

Ronger le goudron en bordure…

De la route, extirper la terre…

Crever la croûte inerte qui étouffe la Mère…

Tous à la besogne : fleurs, oiseaux, insectes

avec pour destinée, la reconquête !

 

Brigade ailée, bombardiers gavés de semences

attentives à germer dans le nid

fraîchement composté par les grignoteurs

à la terne livrée, en plongée dans l’humus.

 

Fermentation à la subtile odeur,

à l’abri du soleil, confinée dans la nuit

du caveau inépuisable de la fécondité.

Sous le manteau des arbres forestiers

postés en lisière, séparés par la route.

 

Aryane

 Cantal – le 6 novembre 2013

Sensations

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.

Arthur RIMBAUD 1870

Extrait des Contemplations

Je lisais. Que lisais-je ? Oh ! le vieux livre austère,

Le poème éternel ! – La Bible ? – Non, la terre .

Platon, tous les matins, quand revit le ciel bleu,

Lisait les vers d’Homère, et moi les fleurs de Dieu,

J’épèle les buissons, les brins d’herbe, les sources ;

Et je n’ai pas besoin d’emporter dans mes courses

Mon livre sous mon bras, car je l’ai sous mes pieds.

Je m’en vais devant moi dans les lieux non frayés,

Et j’étudie à fond le texte, et je me penche,

Cherchant à déchiffrer la corolle et la branche.

Donc, courbé, – c’est ainsi qu’en marchant je traduis

La lumière en idée, en syllabes les bruits,

– J’étais en train de lire un champ, page fleurie.

 

Victor Hugo ( les contemplations Livre III : les luttes et les rêves)

Taliesin aurait été le barde d’Urien, puissant roi du Rheged, dans la région du Nord de l’Angleterre actuelle.  Taliesin a décrit une bataille fantastique avec une armée enchantée dont les guerriers auraient été transformés en arbres par l’intervention divine. Les principales essences de nos forêts sont ici mises en scène en fonction de leurs vertus morales. Pour les Celtes, les arbres étaient des êtres emblématiques et sacrés.

2ème extrait de la Bataille des Arbres


« Les aulnes, en tête de la troupe,
Formèrent l’avant-garde,
Les saules et les sorbiers
Se mirent en rang à leur suite,
Les pruniers qui sont rares,
Etonnèrent les hommes.
« Les nouveaux néfliers
Furent les pivots de la bataille,
Les buissons de roses épineuses
Luttèrent contre une grande foule,
Les framboisiers, dressés en fourrés,
Furent les meilleurs à prouver
La fragilité de la vie.
« Le troène et chèvrefeuille,
Avec du lierre sur le front,
Partirent au combat avec l’ajonc.
Le cerisier joua les provocateurs,
Le bouleau malgré son esprit élevé,
Fut placé à l’arrière,
Non pas en raison de sa lâcheté,
Mais bien de sa grandeur.
Le cytise doré prouva
Sa nature sauvage à l’étranger.
« Les pins se tenaient à l’avant,
Au centre de la mêlée
Que j’exaltais grandement
En présence des rois.
L’orme et ses fidèles
Ne bougèrent pas d’un pied.
Ils combattaient contre le centre,
Contre le flanc et les arrières.
« Quant aux noisetiers, on put juger
Que très grande était leur rage guerrière.
Heureux fut le rôle du troène ;
Il fut le taureau du combat, le maître du monde.
Morawg et Morydd
Firent des prouesses sous forme de pins.
Le houx fut éclaboussé de vert,
Il fut brave entre tous.
« L’aubépine, se gardant de tous côtés,
Avaient les mains blessées.
Le tremble fut élagué,
Il fut élagué dans la mêlée.
La fougère fut saccagée.
Le genêt, à l’avant,
Fut blessé dans un fossé.
L’ajonc ne fut pas indemne,
Bien qu’il se répandit partout.
La bruyère fut victorieuse, se gardant de tous côtés,
La foule était charmée
Pendant ce combat des hommes.
« Le chêne, rapide dans sa marche,
Faisait trembler ciel et terre.
Ce fut un vaillant gardien contre l’ennemi,
Son nom est fort considéré.
Les clochettes bleues se battirent
Et causèrent grande douleur :
Elles écrasaient, se faisaient écraser,
D’autres étaient transpercées.
« Les poiriers furent les grands pourfendeurs
Du combat de la plaine,
A cause de leur violence.
La forêt fut un torrent de cendres.
Les châtaigniers timides
N’eurent guère de triomphe.
Le jais devint noir,
La montagne devint rabougrie,
La forêt fut pleine de trous
Comme autrefois les grandes mers,
Depuis que fut entendu le cri de guerre.

 

 

Taliesin aurait été le barde d’Urien, puissant roi du Rheged, dans la région du Nord de l’Angleterre actuelle. Selon la légende arthurienne, il aurait été en contact avec Myrddin, le barde du roi Gwenddoleu qui aurait inspiré le mythe de Merlin l’enchanteur. Taliesin est lui-même un personnage légendaire puisqu’il serait revenu à la vie sous plusieurs formes animales, les celtes croyant à la réincarnation et respectant profondément la Nature.

1er extrait de la Bataille des Arbres

« Le Seigneur n’est pas d’une nature ardente.
Il n’a ni père ni mère.
« Quand je vins à la vie,
Mon créateur me forma
Par le fruit des fruits,
Par le fruit du dieu primordial,
Par les primeroses et les fleurs de la colline,
Par les fleurs des arbres et des buissons,
Par la terre et sa course terrestre,
J’ai été formé
Par les fleurs de l’ortie,
Par l’eau du neuvième flot.
J’ai été marqué par Math
Avant de devenir immortel,
J’ai été marqué par Gyddyon,
Le grand purificateur des Bretons,
Par Eurwys et par Euron,
Par Euron et par Modron,
Par cinq fois cinq maîtres de science,
Par les savants enfants de Math. »

Taliesin – épopée celtique