Archives pour la catégorie fleurs rares et protégées
La cigüe vireuse – Apiacées
Les perles des Causses : orchidées rares en Aveyron
Au royaume des orchidées – Maurs 15
Au bord du chemin, les jolies printanières nous signalent que nous entrons dans la zone des roches calcaires classée en zone Natura 2000 pour sa richesse en orchidées . Les ornithogales ne sont pas ouvertes car le soleil est encore bas : les belles fleurs blanches s’épanouiront en fin de matinée ce qui lui a valu son nom populaire de dame de 11 heures ! J’admire au passage le bugle de Genève au bleu profond rehaussé par les poils soyeux et l’épi dense enroulé en spirale du muscari à toupet dont les premiers boutons virent au violet pur. Mais mon impatience prend le dessus sur le plaisir cette ambiance et je coupe à travers la prairie verdoyante en direction des terres maigres en pente…
Je connais le goût des orchidées pour la compagnie des genévriers commun dans les pâturages à mouton secs et pauvres où le paysan ne remplira pas son fenil. Ici les graminées aux feuilles fines sont transparentes comme un voile sur le paysage : il me suffit d’approcher à pas lents pour voir apparaître entre les fils dorés du rideau, les taches écarlates des orchis mâles. Ils sont vraiment très grands, signe que le milieu est favorable. Isolé au milieu des géants , un superbe orchis bouffon d’un blanc de neige semble irradier la lumière de l’aube, alors que de délicates rayures vertes dessinent à la plume une résille sur les ailes des corolles immaculées. C’est une variation du costume de l’ornithogale pour le bal des orchidées… ! Je croiserai quelques autres orchis bouffon albinos plus loin, éparpillés entre les colonies d’orchidées. Me voici émerveillée par la rencontre avec la star pour laquelle je suis venue avec mon appareil photo !
Un sérapias à langue aux pétales nervurés d’un mauve pâle se cambre fièrement sur sa courte tige… Que cette fleur est donc élégante malgré sa petite taille ! Le pétale inférieur allongé en gouttière est vraiment original. Pour ma première série de photos, je choisis un quatuor de sérapias, puis d’autres groupes plus nombreux, et mélangés à des orchis bouffons et des orchis mâles, d’une composition aussi subtile que des bouquets japonais. Tant et si bien que l’orchis bouffon s’est croisé avec le sérapias à langue pour inventer un superbe hybride à la fleur de sérapias et à la couleur pourpre de l’orchis : une « pierre précieuse » qui couronne mon safari au royaume des orchidées.
Mais je ne suis pas encore au bout de mes découvertes car le terrain devient plus aride et laisse affleurer des rochers …jusqu’à un duo d’Ophrys silloné (O. fusca), en plein épanouissement. En arrière plan, je découvre une colonie d’Aceras Homme pendu (A. antropophora) qui mènent une joyeuse sarabande en exhibant les jambes jaunes de leurs minuscules pantins. Les floraisons sont si abondantes que j’en profite pour trouver le meilleur angle de prise de vue. Dans ce ballet de floraisons remarquables, il me reste à m’extasier devant les chandeliers des Orchis brûlées et leurs dizaines de fleurs nacrées mouchetées de pourpre…
Elles semblent baliser le parcours et m’invitent à me diriger vers le sommet de la butte. Le soleil s’est élevé dans le ciel et commence à chauffer l’atmosphère ainsi que les dalles de pierre du sol toutes tièdes. Il y a comme une ambiance méridionale renforcée par les panaches des genévriers. En m’enfonçant dans les coteaux calcicoles, je suis accompagnée par les papillons blancs de la platanthère que je n’avais pas encore remarqués, et c’est le coeur en fête que je poursuis mon exploration à l’affut de nouvelles exceptionnelles rencontres. Sûrement je vais croiser la listère à deux feuilles, peut-être même que l’orchis grenouille me fera l’honneur de sa robe verte si bien camouflée que chaque rencontre est une nouvelle conquête …une partie du plaisir de cette balade tient à ce suspens.
Une colonie d’orchidées rares dans un marais d’altitude
Dans le virage de la petite route de montagne, une petite parcelle en friche attire mon regard : des buissons de saule à l’arrière plan essayent de gagner de vitesse les hautes herbes luxuriantes en ce mois de juin. Je devine une mégaphorbiae profitant de la fraicheur d’un ruisseau de montagne, où s’écoulent plusieurs jeunes sources gazouillantes
Lorsque je pose les pieds dans les premiers mètres de la parcelle, la terre gorgée d’eau s’enfonce moelleusement sous mon poids annonçant sa qualité d’éponge… avec précaution je progresse vers les tâches de couleur vive qui ont suscité ma curiosité : de superbes chardons des rives aux têtes en pompon rose vif dansent un tango entre des touffes de longues feuilles en ruban…très peu d’épines et tant de grâce dans leurs silhouettes inclinées. De ci de là, les feuilles gauffrées et odorantes des reines des prés me mettent en garde ! Attention ! L’eau prend le pas sur la terre ferme, ici commence la limite mouvante des plantes hygrophiles, autrement dit nageoires recommandées…ou bottes dans le pire des cas.
Je passe en revue rapidement le contenu de mon coffre mais hélas ! Ces articles ne sont pas disponibles en rayon. La collection été propose un chapeau, des lunettes de soleil et autre protection solaire en cette météo magnifique. Il faudra s’adapter…
Je reviens sur mes pas et me dirige vers les saules blancs qui sont en train de stabiliser la zone humide en captant les sédiments dans leur système racinaire. Le pied en l’air je tombe en admiration sur les étonnantes fleurs en étoile que je révais de rencontrer… une couleur aussi mystérieuse qu’inquiétante, le rubis sombre de la sanguisorbe qui évoque si bien la propriété médicinale de cette plante hémostatique. Rouge sang, le comaret l’est aussi et d’un graphisme à rendre envieux un designer de mode… Proche des potentilles et du fraisier, cette espèce est une variation fascinante sur le motif des rosacées que nous croyons connaître par coeur et qui me surprend encore avec cette espèce rare.
Je prospecte minutieusement autour de mon petit groupe en élargissant le cercle en quête de nouvelles fleurs… et voici des trèfles d’eau, étalés en un beau tapis sur une surface plus sèche. A défaut des fleurs en dentelle nacrée que j’aurais voulu admirer (elles sont logiquement défleuries depuis un bon mois), je découvre les fruits en capsules de cette plante médicinale rare . Elle confirme en bonne indicatrice que j’explore un « tremblant », c’est à dire une zone humide en cours d’assèchement naturel, toujours le réseau des racines en action, mais que les saules n’ont pas encore colonisés. L’eau est certainement d’une grande pureté et bien oxygénée sur cette friche pour accueillir des plantes aussi remarquables.
Au milieu des trèfles d’eau, je me penche sur une tige élancée qui file entre les graminées, jalonnée de fleurons d’un blanc nacré tirant vers le beige rosé…comme des papillons posés les ailes entrouvertes pour se réchauffer au soleil. Ente les ailes, une gorge jaune d’or révèle les pollinies d’une orchidée ! Voilà la star des jardins de Grenade : l’épipactis des marais batifole entre les jeux d’eau des sources et les méandres du tremblant et s’y plait tant et si bien qu’elle a installé sa famille. Combien de générations s’y bousculent depuis combien de saisons ?! Pas moins de 80 pieds d’épipactis sont dénombrés sur ce carré de friche de quelques dizaines de mètres carrés… quand la densité de cette plante protégée est à peine de 3 pieds sur des hectares de marais à plus basse altitude ! Maintenant que je les ai repérés, ils exécutent un véritable ballet devant mes yeux ébahis ! Quel incroyable spectacle!… »
Les anémones sous le vent des crêtes
Dans les pelouses naturelles des Monts des Volcans se balancent d’étonnants pompons au gré du vent des crêtes. Hérissés d’aigrettes de plumes, ces drôles de balles soyeuses rappellent les têtes des pissenlits qui poussent dans la vallée. Alors que celles-ci sont fragiles et se brisent au moindre souffle, les pompons des estives résistent jusqu’en été. Pour les admirer, il faut monter au dessus de 1300 m d’altitude…
D’ailleurs, il ne s’agit pas d’espèces de la famille des Astéracées dont les Pissenlit, Salsifi et autre tussilage ont les fruits les plus somptueux, mais d’une catégorie d’anémones sauvages de la famille des Renonculacées.
« Anémone », ce mot bien choisi a pour origine le vent en grec ancien : anemos qui a inspiré le nom de l’outil anémomètre en météorologie.
Ces fleurs montagnardes ont en effet l’habitude de confier au vent leurs semences, un moyen pratique de se balader d’un sommet à l’autre en sautant au dessus du vide comme le ferait un chamois !
Elles sont trois fleurs à égrener leurs pompons au printemps : l’anémone printanière
est la première à fleurir en avril, suivie de l’anémone pulsatille et c’est l’anémone soufrée qui clôture la saison des belles printanières. Mystère de la Nature, l’anémone soufrée est une variété jaune de l’anémone des Alpes qui s’est développée exclusivement en Auvergne.
Pour être en fleurs à la fonte des neiges, elles essuient souvent une averse de neige, un retour de l’hiver qui serait dramatique pour les fragiles corolles d’une autre fleur.
Sauf pour les anémones pulsatilles qui ont eu l’inventivité d’emmitoufler leurs feuilles, leur tige et même leurs fleurs dans un duvet soyeux qui leur sert d’isolant naturel. Ce magnifique manteau argenté scintille dans la lumière des dernières plaques de neige du printemps.
Ainsi protégées, elles affrontent les températures nocturnes très basses, mais encore la déshydratation due à la réverbération du soleil sur la neige, et l’insolation violente des sommets.
Les jolis pompons sont aussi une exclusivité des espèces montagnardes.
Bien qu’elle porte le même nom, l’anémone des bois (Anemone nemorosa) ne pratique pas ce mode de dissémination des graines.
Et pour cause, établie dans le sous-bois des hêtraies à l’abri du vent, sa descendance est disséminée par les fourmis forestières. Trait de génie, la « plume » de la graine chez l’anémone des crêtes est remplacée par une pastille sucrée qui attise la gourmandise des fourmis, chez l’anémone des bois.