En roulant sur la départementale, n’avez-vous pas croisé des grands frênes et des hêtres qui surplombent la route de leurs longues branches comme s’ils voulaient l’enjamber? Imaginez le peuple de la forêt prêt à reprendre possession de la surface goudronnée car c’est le rôle de la nature d’ensemencer sans cesse la grande matrice de la Terre, malgré les obstacles dressés par les hommes.
La reconquête
Leurs branches se tendent l’une vers l’autre
comme des mains prêtes à se joindre.
Quatre mètres à franchir dans le vide…
La voûte prend forme au dessus de la bande
stérile, laminée par les bourreaux mécaniques.
Des hommes sur le sol, l’empreinte unique.
Tonnelle palpitante de feuilles tendres,
infini multiple de cœurs verts
qui pulsent l’oxygène dans le ciel.
Gaz précieux, voile d’or posé sur la Vie.
Dans le creuset des franges rebelles,
elle croît au ralenti, terrée
silencieuse, immobile, repue d’énergie,
tapie dans les humides fourrés
sous la protection du berceau de verdure
Elle renaîtra, cyclique, éternelle.
Ronger le goudron en bordure…
De la route, extirper la terre…
Crever la croûte inerte qui étouffe la Mère…
Tous à la besogne : fleurs, oiseaux, insectes
avec pour destinée, la reconquête !
Brigade ailée, bombardiers gavés de semences
attentives à germer dans le nid
fraîchement composté par les grignoteurs
à la terne livrée, en plongée dans l’humus.
Fermentation à la subtile odeur,
à l’abri du soleil, confinée dans la nuit
du caveau inépuisable de la fécondité.
Sous le manteau des arbres forestiers
postés en lisière, séparés par la route.
Aryane
Cantal – le 6 novembre 2013